Le constat des experts est sans appel : les terres, les mers et les êtres vivants qu’elles abritent sont menacés par les destructions de l’humanité, qui doit faire la « paix avec la nature » pour éviter une facture désastreuse.
Revue de quelques chiffres clés au cœur des négociations de la COP16 biodiversité qui reprend à Rome le 25 février après leur échec partiel en Colombie en novembre.
– Trois quarts des terres altérées –
Environ 75% de la surface terrestre a été dégradée de manière significative par l’humanité – chiffre qui inclut les forêts défrichées et écosystèmes convertis en terres cultivées ou en espaces urbains. Les zones humides, les plus touchées, ont disparu à 87% depuis trois siècles.
C’est le constat dressé par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), l’équivalent des experts du climat mandatés par l’ONU (Giec).
Les conséquences sont multiples : perte d’habitat pour les animaux sauvages, infertilité de terres épuisées, réduction de l’absorption de CO2, baisse de la qualité de l’air, risque de zoonoses, menaces sur l’eau potable…
« La population des zones arides passera de 2,7 milliards d’habitants en 2010 à 4 milliards d’ici 2050 », estimait l’Ipbes en 2018.
L’un des 23 objectifs de l’accord de Kunming-Montréal (2022) prévoit que les pays restaurent 30% des terres dégradées d’ici 2030.
– Un million d’espèces menacées –
Sur les 8 millions d’espèces animales et végétales estimées sur la planète, un million sont menacées d’extinction, selon l’Ipbes. Pour parvenir à ce chiffre, la plateforme a retenu une estimation « prudente » de 10% des espèces d’insectes menacées, soit quelque 600.000.
Le total est vingt fois supérieur à celui de la liste rouge de l’UICN, référence mondiale qui recense 46.000 espèces menacées. Car l’inventaire de l’UICN se limite aux 166.000 espèces pour lesquelles de solides données scientifiques existent, la majeure partie restant méconnue.
Les pollinisateurs, indispensables à la reproduction des plantes et de trois quarts des cultures qui nourrissent l’humanité, sont en première ligne.
Les coraux sont un autre exemple : ces animaux, dont les récifs abritent une faune immense et protègent les littoraux en servant de brise-lames, subissent des épisodes record de blanchiment à cause de l’acidification et du réchauffement des océans. Dans un climat stabilisé à 1,5°C plus chaud qu’à l’ère préindustrielle, 70 à 90% disparaîtraient (99% à +2°C).
-Les « cinq cavaliers de l’Apocalypse » –
Pour l’ONU, la crise de la biodiversité a cinq facteurs, tous d’origine humaine, surnommés par l’institution les « cinq cavaliers de l’Apocalypse ». Par ordre décroissant : la destruction des habitats, la surexploitation des ressources, les changements climatiques, la pollution et les espèces envahissantes.
A elle seule, la destruction des habitats a provoqué une perte de 2 à 11% de la biodiversité mondiale au cours du XXe siècle, selon une vaste étude publiée dans Science en 2024. Mais le réchauffement pourrait devenir la première cause de destruction d’ici 2050, selon les auteurs.
-La moitié du PIB mondial dépend de la nature –
Plus de la moitié (55%) du produit intérieur brut mondial, soit 58.000 milliards de dollars, dépend « fortement ou modérément » de la nature et de ses services, a calculé le géant de l’audit PwC.
L’agriculture, la sylviculture, la pêche et l’aquaculture, ainsi que l’industrie de l’agroalimentaire et des boissons ou encore le secteur de la construction, sont les plus exposés. Que serait l’économie mondiale sans les céréales, le bois, les poissons, le café, le cuir ou le caoutchouc ?
La pollinisation, la qualité de l’eau et le contrôle des maladies sont aussi comptés dans la valeur de ces « services rendus par la nature », concept omniprésent dans les COP biodiversité mais accusé par des écologistes de « financiariser » et « asservir » la nature.
-Des milliards de « subventions néfastes » –
L’argent public encourage pourtant des activités qui abîment la nature : extraction d’énergies fossiles, surpêche, agriculture intensive, etc.
Pour quels montants ? C’est l’un des objectifs de l’accord de Kunming-Montréal que de chiffrer les subventions et avantages fiscaux « néfastes » d’ici 2025 et de les réduire « d’au moins 500 milliards de dollars par an » d’ici 2030.
Très débattu, le montant des « subventions néfastes pour l’environnement » a été estimé jusqu’à 2.600 milliards de dollars par an, soit 2,5% du PIB mondial, par l’organisation Earth Track.
Source : Afp