Ça fait seulement deux ans depuis que cette école située à Nachiboré, a commencé ce projet. C’est à la fois courageux et ambitieux, mais le directeur de l’école n’a pas laissé passer une telle opportunité.
« Depuis que nous utilisons ce mode de cuisson, les enfants ne désertent plus l’école car ils mangent à l’heure, la cuisine est propre et nous aussi. »
Ware Piyabalo Meba est aussi un passionné de l’environnement qui veut le mieux pour son école. Après quelques années de recherche, il a décidé d’essayer un nouveau système pour la cuisine.
« Le dispositif est relié à deux blocs de quatre latrines, qui génèrent du biogaz. Et c’est ce gaz qui alimente la cuisine de la cantine scolaire« .
Alassani Bode qui vit à Kadjalowa, plus de 360 Km de Lomé, utilise le même dispositif depuis deux ans. Il souffre d’un handicap moteur depuis son enfance. Agé de 52 ans, il lui est de plus en plus difficile vu sa condition, d’aller dans la brousse pour faire caca. Pour le soutenir face à sa situation très difficile, UNICEF a installé le même dispositif chez lui. Il permet à tous ses voisins de déféquer dans ses latrines.
« Cela permet d’avoir assez de matières fécales auxquelles nous ajoutons d’autres déchets et de l’eau pour activer la fermentation. Les latrines sont reliées à un puits assez profond qui condense le caca. Ce puits communique directement avec un bio-digesteur qui, grâce à la décomposition – due à la fermentation – des matières organiques, génère du biogaz qui transite par un tuyau directement vers la cuisine pour la cuisson des repas : toute ma famille a abandonné l’utilisation du bois« , dit M. Bodé.
Le biogaz encore appelé énergie locale ou énergie verte est considéré par des experts aujourd’hui comme une solution durable contre la déforestation. Il est obtenu à partir de la fermentation de matières organiques dans un environnement privé d’oxygène. Au Ghana, une cinquantaine de cantines scolaires sont équipées de dispositifs générant du biogaz, pour la cuisine.
Au sud du Bénin, des productrices de Gari -farine de manioc- qui allaient chercher du bois à plus de 3km dans la brousse, ont acquis une autonomie en énergie grâce à l’utilisation du biogaz.
Au Togo, l’Ecole primaire publique de Natchiboré – plus de 480km au nord de Lomé au Togo – utilise le biogaz depuis deux ans, a dit l’une des mamans-cantine. Le biogaz est l’un des modes de cuisson recommandés par l’OMS.
« Un tel dispositif offre un triple avantage : d’abord, du combustible gratuit et l’abandon de l’abattage des arbres, ensuite l’utilisation des résidus comme engrais naturels pour fertiliser les champs et enfin, l’amélioration de l’hygiène des maisons. De plus, l’adoption de ce dispositif va contribuer à l’atteinte de l´ODD 12 (établir des modes de consommation et de production durables)« , a dit Pr Camille Koffigan Agbati, enseignant chercheur à l’Université de Lomé.
Lutte contre la déforestation est un réel défi
Le Togo perd chaque année environ 3,5 hectares de forêt, soit plus de 5 millions d’arbres abattus pour essentiellement produire du charbon. Le ministère de l’environnement estime qu’environ 9 ménages sur 10 utilisent le charbon de bois pour la cuisine, ce qui constitue non seulement une menace pour l’environnement, mais aussi pour la santé, à cause de la fumée que cela produit.
L’organisation des Nations unies avait également averti que, si l’on respire la fumée produite par la cuisson avec des combustibles polluants comme le bois ou le charbon de bois, on peut avoir des maladies pulmonaires chroniques, des maladies cardiaques, des cancers.
Charles Kolou -qui est géographe- dit que la promotion des combustibles comme le biogaz est au cœur des actions mises en œuvre par le Togo pour favoriser l’accès de tous à l’énergie propre, mais aussi réduire la pression humaine sur les ressources forestières.
En effet, le Togo a élaboré depuis 2015 un plan d’actions national des énergies renouvelables (PANER) sur la période 2015 à 2030 dans le cadre de la mise en œuvre de la politique des énergies renouvelables de la CEDEAO (PERC). Et selon les prévisions, la consommation des combustibles modernes de substitution de cuisson y compris le GPL, le biogaz et les foyers solaires devraient couvrir 75 personnes sur 100, a dit M. Kolou.
En attendant, plusieurs autres solutions sont promues pour réduire l’abattage des arbres et aussi préserver la santé. Au nombre de ces initiatives, les foyers améliorés en cours de vulgarisation au Togo.
Les foyers améliorés, une alternative ?
Pr Agbati, ingénieur de profession, dit que les foyers améliorés -pas chers- constituent une bonne alternative pour la lutte contre la déforestation.
Agbati est responsable de TMSU International – une structure spécialisée dans l’ingénierie et accompagnent en Agroecologie et Bioénergies – Il dit que l’abandon du bois énergie doit être progressif, et ces foyers s’inscrivent dans le cadre de la transition énergétique.
Environ 80.000 familles ont fait le transfert vers ce nouveau mode de cuisson qui permet de conserver la chaleur car ils sont faits à base d’argile.
C’est le cas d’Afi, la trentaine mère de deux enfants qui a abandonné son foyer en terre cuite -qui utilise du bois-.
« Depuis quelques mois, je n’ai plus mal aux yeux à cause de la fumée, mais aussi je dépense moins car mon foyer utilise très peu de charbon. De plus, je cuisine en un temps record, donc mon mari et mes enfants mangent à temps », a dit Afi.
Teko Ayi Yao qui fabrique les foyers améliorés nommés « Tcha Tcha » – c’est-à-dire cuisson rapide – a dit que ces foyers utilisent peu de charbon et on cuisine en peu de temps. De plus, ils réduisent les émissions de gaz à effets de serre. Maman Ayoko l’a adopté pour éviter des problèmes d’yeux.
« Même après la cuisson, le fourneau reste encore assez chaud pendant quelques heures : « c’est économique, propre et ne dégage presque pas de fumée donc je n’ai pas mal aux yeux ».
Pyabalo Kamang est coordonnateur de l’ONG l’Agence d’Appui au développement à la Base, AGAIB dans la région centrale. Il dit que ces foyers réduisent jusqu’à 60% les émissions de gaz à effet de serre.
« Des études ont montré que ces foyers peuvent économiser jusqu’à 40% de charbon. Ça veut dire que sur les 12 sacs de charbon qu’un ménage utilise dans l’année, il n’utilisera qu’au plus 4 sacs dans l’année. Si le sac coûte 18.000 à Lomé, cela fait 144.000Fcfa d’épargne par ménage, par an. A l’échelle de 20.000 ménages, cela fait énormément de ressources financières et des dizaines d’hectares épargnés « , a dit M. Kamang dans l’émission « Effet de serre », sur la télévision togolaise.
Encore peu utilisé, le biogaz se présente aujourd’hui comme une solution durable contre la déforestation. FIN
Dossier réalisé par Ambroisine MEMEDE