L’emblématique forêt amazonienne pourrait-elle bientôt laisser la place à de vastes savanes ? D’après une étude publiée dans la revue PNAS, c’est effectivement bien ce qui pourrait se produire. En cause, le dérèglement climatique bien sûr.
Des arbres soumis à un double stress hydrologique
En effet, les scientifiques observent une exacerbation des événements climatiques saisonniers dans cette région du globe. Tandis que la saison humide connaît des événements pluvieux de plus en plus extrêmes, la saison sèche est marquée par des sécheresses de plus en plus sévères. Cette évolution des conditions climatiques et hydrologiques engendre ainsi un double stress aux arbres, ce qui limite leur croissance. À terme, des portions de forêt pourraient ainsi disparaître au profit de plaines herbeuses.
LES ARBRES SUBISSENT ACTUELLEMENT UN DOUBLE STRESS HYDROLOGIQUE EN RAISON DE L’INTENSIFICATION DES SÉCHERESSES ET DES INONDATIONS. © ALBA SERRA, ADOBE STOCK
Une évolution qui n’est pas forcément de bon augure pour le climat, la forêt amazonienne représentant un important puits de CO2 capable de stocker environ 123 milliards de tonnes de carbone. Une « savanisation » aurait de fait d’importantes répercussions sur cette capacité de stockage, participant négativement à l’évolution du climat.
Bientôt des savanes au cœur même de la forêt amazonienne ?
Jusqu’à présent, cette conversion en savane était supposée être restreinte dans les zones les plus sèches de la forêt amazonienne, c’est-à-dire dans sa partie sud. Mais cette nouvelle étude montre que le changement pourrait s’opérer au cœur même de la forêt, un endroit que l’on pensait être plutôt préservé.
LE CŒUR MÊME DE LA FORÊT AMAZONIENNE, QUE L’ON PENSAIT PRÉSERVÉ, POURRAIT ÊTRE TOUCHÉ PAR CETTE SAVANISATION. © MARCOS MELLO, ADOBE STOCK
Il faut savoir qu’habituellement, les forêts prospèrent dans les environnements hydrologiquement stables : soit dans des zones sèches, ou à l’inverse dans des zones toujours inondées. Mais le dérèglement climatique déstabilise ces environnements, en faisant varier trop intensément les conditions hydrologiques dans chaque zone. Ce type de stress hydrologique est mal toléré par les arbres, alors que les espèces végétales des savanes s’en accommodent facilement. Or, les modèles climatiques montrent que ce double stress hydrologique touchera d’ici 2100 de nombreuses régions situées au sein même de la forêt amazonienne.
Un nouveau mal qui s’ajoute à la déforestation et aux incendies qui touchent cette forêt primaire considérée comme le poumon de la planète.
L’Amazonie se transforme en savane sous nos yeux et c’est une très mauvaise nouvelle
Les études se suivent et leur conclusion est toujours la même. La forêt amazonienne va mal. Elle pourrait bientôt se transformer en savane. Au grand dam des mammifères qui y ont élu domicile.
Article de Nathalie Mayer publié le 24 février 2023
La savane, c’est un environnement riche. Un environnement qui abrite de nombreuses espèces vivantes. Mais ce n’est pas celui de la forêt tropicale. Celui de la forêt amazonienne. L’ennui, c’est que dans le contexte de changement climatique et sous la pression intense de la déforestation, les chercheurs craignent aujourd’hui de voir la forêt amazonienne « se savaniser ». Se transformer en une sorte de savane. Toutefois, moins riche que la savane naturelle. Un résidu appauvri d’une forêt dégradée en somme. Ni plus ni moins qu’un paysage plus ouvert et plus sec.
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La forêt amazonienne a franchi le point de non-retour
Un paysage, on peut facilement l’imaginer, qui pourrait ne pas convenir à la biodiversité locale. C’est pour en avoir le cœur net que des chercheurs de l’université de Californie à Davis (États-Unis) se sont intéressés aux mammifères terrestres qui prospèrent dans la forêt amazonienne. Ils représentent 9 % d’un total de 4 000 espèces animales identifiées dans la région.
Les chercheurs ont, pour cela, installé des appareils photo automatiques dans quatre zones protégées du sud de l’Amazonie brésilienne. Une région dans laquelle se mélangent déjà naturellement la forêt tropicale et la savane brésilienne, le Cerrado. Et ils ont étudié plus de 30 espèces : des jaguars, des ocelots, des fourmiliers ou encore des capybaras. Pour comprendre comment se comportent les espèces connues pour vivre principalement en forêt, en savane ou dans les deux habitats.
LE JAGUAR, QUI SEMBLE AVOIR LAISSÉ ICI DES TRACES SUR LA PISTE SUIVIE PAR LES CHERCHEURS AU CŒUR DE L’AMAZONIE, APPRÉCIE TOUT PARTICULIÈREMENT LA FORÊT TROPICALE DENSE. MÊME S’IL PEUT VIVRE DANS DES MILIEUX OUVERTS, LES CHERCHEURS ESTIMENT QU’IL SERAIT MIS EN DANGER — PLUS ENCORE QU’IL NE L’EST DÉJÀ — PAR LA SAVANISATION DE LA FORÊT AMAZONIENNE. © FERNANDA CAVALCANTE, PCMC BRASIL
Les animaux préfèrent la forêt
Résultat : seules quelques rares espèces préfèrent l’habitat de savane. Elles pourraient être encore moins nombreuses dans ce cas si elles étaient contraintes de vivre dans un environnement savanisé. Où les chercheurs s’attendent à observer des effets négatifs de cet espace dégradé.
« La plupart des espèces amazoniennes, lorsqu’elles ont le choix entre de bonnes forêts et de bonnes savanes, choisissent la forêt. C’est vrai même pour les espèces considérées comme « généralistes », celles qui utilisent les deux habitats. Alors que nous perdons des forêts, elles souffrent aussi », commente Rocha, chercheur à la Southern Nazarene University (États-Unis), dans un communiqué.